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Sunday, June 26, 2016

Prévention de l'extension des essaims de criquets pèlerins

Les drones pourraient jouer un rôle décisif en matière d'identification et de prévention des essaims de criquets pèlerins, dans le cadre de la lutte contre ce migrateur dangereux et nuisible. 

Les criquets pèlerins ont un appétit vorace, au point d'être inégalés dans le monde des insectes. Dans leur zone d'activité, soit 20 pour cent de la surface terrestre, ils se reproduisent annuellement, se regroupent, et forment ensuite des essaims pouvant couvrir jusqu'à 150 kilomètres par jour, passant d'un continent à l'autre.

Alors que les essaims de criquets pèlerins sont inconnus en Amérique et en Europe, ils représentent une menace constante pour les ressources alimentaires de certains des pays les plus pauvres et les plus secs au monde, occupant une surface immense s'étendant de l'Afrique de l'Ouest au sous-continent indien. Les pays vulnérables luttent en faisant appel à une technologie de télédétection et d'étude sur le terrain en vue d'identifier et éliminer les zones de reproduction des criquets. Aujourd'hui, certains experts pensent que la technologie des drones, appelés dans le monde anglophone « véhicules aériens sans pilote (UAV) », pourrait offrir aux équipes d'étude et de lutte une solution économique et efficace.

Système d'alerte précoce

Un système d'alerte précoce et de lutte préventive contre les criquets pèlerins existe depuis plus de cinquante ans. C'est le système d'alerte le plus ancien au monde contre les migrateurs nuisibles. Environ vingt-quatre pays concernés ont créé des centres nationaux de lutte contre les criquets au sein de leur gouvernement, regroupant des équipes d'étude et de lutte spécialisées, bien formées, équipées pour parcourir tous les jours le désert dans des 4x4 afin de trouver et traiter les infestations.

Pour les détecter, ces équipes se fondent sur leur propres connaissances ainsi que sur les informations fournies par les nomades. Ces connaissances sont associées à des images satellite actualisées montrant les précipitations et la végétation, ce qui permet aux équipes d'identifier les sites potentiels de reproduction et les infestations de criquets en cours d'expansion. Les équipes enregistrent leurs observations dans une tablette qui transmet les données en temps réel via satellite à leur centre national de lutte contre les criquets. Cette information est ensuite transmise au Desert Locust Information Service (DLIS), installé au siège de l'Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (ONUAA) à Rome, en Italie.

La réussite de la prévention des invasions de criquet pèlerin se fonde sur une surveillance régulière dans le désert, des alertes précoces, et une réaction rapide. Si une invasion n'est pas détectée à temps, cela peut avoir un effet dévastateur sur la subsistance de la population locale. Il a par exemple fallu plus de 500 millions USD et deux années pour contrôler les crises acridiennes de 2003 et 2005 en Afrique du Nord. Quelque 13 millions d'hectares ont été traités avec des pesticides. En ce qui concerne les céréales, des pertes de 100 pour cent ont été rapportées dans certaines régions, et rien qu'en Mauritanie, 60 % des chefs de famille ont dû s'endetter. Au Mali, le niveau d'éducation a chuté car les enfants ont été retirés des écoles en raison de la mauvaise situation économique de leurs parents.

Même si le système d'alerte précoce et de lutte préventive est bien établi et reste efficace au jour le jour, il n'est pas parfait. Actuellement, trois obstacles fondamentaux ont un impact sur ce système : l'énorme étendue et l'éloignement des régions désertiques à explorer, l'insécurité politique croissante, l'inaccessibilité ainsi que les dangers dans ces régions, et enfin l'utilisation fiable des pesticides au cours des opérations de lutte.

Images en haute résolution

L'utilisation de drones pourrait permettre de lever ces obstacles dans de nombreux pays affectés. Sur le terrain, on pourrait utiliser les drones pour collecter automatiquement des images en haute résolution de zones de végétation potentiellement affectées. Commandé par une tablette portative robuste, le drone suivrait un plan de vol préprogrammé couvrant un rayon de 100 kilomètres.

Au terme du vol, les équipes chargées de l'étude pourraient exploiter les données collectées pour identifier les zones les plus susceptibles d'abriter des criquets, ce qui leur permettrait de se rendre directement sur place. Une fois que l'équipe atteint une zone suspecte, le drone pourrait la survoler et identifier d'autres zones proches et nécessitant un traitement. On pourrait ensuite utiliser un drone de lutte séparé pour répandre les pesticides directement sur les concentrations de criquets. Les drones pourraient encore être utilisés pour vérifier la présence de criquets dans des zones peu sûres ou inaccessibles par les équipes de terrain.

Cette solution présente bien des avantages comparée aux méthodes d'étude et de lutte employées actuellement dans les pays touchés par les invasions de criquets. Les études du terrain seraient plus efficaces puisque les équipes ne devraient plus parcourir le désert à l'aveugle en espérant tomber sur des zones de végétation suspectes ou des invasions de criquets.  Les drones permettraient au contraire d'identifier ces zones, ce qui donnerait la possibilité aux équipes d'étude de s'y rendre directement.

Une fois sur place, le drone donnerait une confirmation précise de l'étendue et de la gravité de l'invasion du site. Les opérations de lutte seraient plus sûres et plus efficaces car des opérateurs humains ne seraient plus exposés à des pesticides potentiellement dangereux lors de l'élimination des insectes. Les opérations de lutte contre les parasites deviendraient aussi plus efficaces parce que les drones seraient capables de traiter précisément les invasions, avec la bonne dose de pesticides et la bonne méthode.

Défis à relever

L'introduction des drones dans le système existant §d'alerte précoce et de prévention présente bien des avantages, mais il reste des défis à relever. Il faut d'abord concevoir un drone suffisamment endurant pour couvrir au moins 100 kilomètres en un seul vol, tout en étant chargé de détecteurs optiques capables de différencier une végétation annuelle d'un sol nu. Le système du drone devra ensuite pouvoir traiter et produire les résultats sur le terrain. Étant donné les limitations relatives aux batteries et aux pièces détachées dans les pays en développement, le drone devra fonctionner à l'énergie solaire et être composé de pièces robustes mais simples, facilement disponibles sur les marchés locaux.

Le drone devra aussi pouvoir détecter avec exactitude et fiabilité des taches ou concentrations de criquets sur un site. Un drone de lutte devra pouvoir associer une charge de pesticide potentiellement lourde et une durée de vol relativement longue en vue de traiter le plus possible d'invasions de criquets sur la surface la plus étendue possible.

La commande des drones d'étude et de lutte devra être simple et intuitive car les utilisateurs de terrain disposeront peut-être d’une expertise et de compétences informatiques limitées. Les gouvernements nationaux devront enfin élaborer des cadres juridiques permettant l'utilisation de drones pour des opérations de lutte contre les criquets.

L'ONUAA collabore actuellement avec des chercheurs universitaires et des partenaires du secteur privé en Europe pour répondre à des défis concernant la conception, l'endurance, la puissance, la détection de végétation et de criquets, et le traitement sur place des données en vue d'intégrer la technologie des drones dans les opérations nationales d'étude et de lutte. On s'attend à ce que les premiers essais sur le terrain débutent cette année en Mauritanie pour tester de nouvelles technologies potentielles, les perfectionner, et les adopter en vue d'une utilisation opérationnelle potentielle dans les pays touchés par les invasions de criquets.

L'ONUAA espère que d'ici cinq ans les drones joueront un rôle décisif dans la protection des denrées alimentaires et des moyens de subsistance contre le criquet pèlerin dans le cadre de la lutte contre la faim et la pauvreté mondiales. Cette technologie et les enseignements tirés de l'expérience avec le criquet pèlerin devraient pouvoir être modifiés et adoptés dans le combat contre d'autres maladies et parasites agricoles de par le monde.

À propos de l'auteur :

Keith Cressman (Keith.Cressman@fao.org) est le fonctionnaire principal en charge des prévisions acridiennes au sein du DLIS, ONUAA à Rome, en Italie. Il s'occupe du système global d'alerte précoce acridienne de l'ONUAA.

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