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Wednesday, March 22, 2017

Pêcheurs malgaches à bout de souffle : la modélisation participative trois-D confirme les acquis et ouvre les horizons

Interview avec Tsiza Ernest, président de l’association des pêcheurs à Sahoragna, Madagascar

Tsiza Ernest, Président de l'Association des pêcheurs, dénommée « La Baleine » composée d'une dizaine de membres, est un pêcheur sexagénaire du littoral-Est de la Grande île du quartier du Sahoragna, de la Commune de Fenerive Est à 500 km de la capitale. Son association est minée par des problèmes qui gangrènent leur métier. Le processus de la modélisation participative en trois dimensions (MP3D) est arrivé à point nommé leur apportant de nouvelles perspectives tout en consolidant leurs acquis.

Qu'est ce qui vous amène à dire que la MP3D est arrivé à temps?

Tsiza Ernest : Effectivement, l'apprentissage de la MP3D était venu comme une bouffée d'oxygène pour la filière, pour l'association et pour ma famille en particulier. Nos problèmes ne datent pas d'aujourd'hui, mais je dois dire que nous avons frôlé la limite de l'acceptable. Comment voulez-vous que j'arrête mes activités au printemps de ma carrière ? Je n'ai plus le choix. Si auparavant, la pêche a nourri convenablement son homme, aujourd'hui faute de productions, nous devons diversifier nos sources de revenus et pratiquer d'autres activités pour joindre les deux bouts. Heureusement au début de l'année 2016, lorsque nous avons participé aux activités d'apprentissage du processus de la modélisation participative en trois dimensions (MP3D) avec l'accompagnement du BIMTT (Bureau de Liaison des Institutions de Formation en milieu Rural à Madagascar) soutenu par le CTA, l'espoir renaît progressivement. Tous les participants s'accordent à dire que nous pouvons faire quelque chose, recoller les morceaux pour éradiquer le mal qui entrave les activités de la pêche. Le processus de la MP3D nous a mis au même pied d'égalité dans la compréhension de la situation. Elle nous a donné une opportunité pour réfléchir ensemble autour de la maquette, échanger les idées et prendre les dispositions adéquates. La participation de tous les représentants des acteurs de la pêche a facilité l'exercice : les pêcheurs, la mairie, la Direction Régionale de la Pêche (DRP), la communauté religieuse Saint Benoît, les autorités traditionnelles...Tous les pêcheurs occupant le large de 30 km du littoral Est ont été représentés. Tout le monde était là.


Quels sont les problèmes rencontrés et les solutions préconisées ?

Tsiza Ernest : La surexploitation résultant d'une pêche illicite. Ces dix dernières années, nos produits de pêche ont chuté considérablement. Aujourd'hui, il nous faut aller de plus en plus loin pour espérer pêcher davantage. Chacun fait ce que bon lui semble. La fermeture de la pêche n'est pas réglementée, la taille minimale de capture ni la capture maximale n'est pas limitée, les matériels utilisés ne respectent aucune norme, les zones d'exploitation ne sont pas délimitées. Bref : Péril en la demeure. En effet, il n'est pas rare de trouver des inconnus, ou mêmes des exploitants chinois qui débarquent avec leurs canots motorisés raflant tout sur leur passage, des individus qui illuminent avec des feux de projecteur les endroits sensibles, tels que zones de ponte ou grandes habitations des crustacés. Les conséquences en sont graves, tel qu'un feu de brousse, puisqu'ils délogent ainsi les occupants de leurs habitats pour mieux les chasser par la suite. C'est tout simplement une manière de voler nos ressources ! D'autres usent des moustiquaires au lieu et place des filets. Aussi ramasse-t-il tout jusqu'aux œufs. Tout cela est au vu et au su des autorités qui ne font rien. Au niveau de l'association, nous avons bénéficié des formations en pêche maritime responsable, nous avons adopté une convention qui nous oblige à respecter le métier. C'est à dire : utiliser des filets conventionnels, abandonner les poissons de petite taille, observer les périodes de ponte...Mais les autres s'en foutent, c'est comme si nous, les légalistes, qui sommes les imbéciles. Dès fois, nous attrapons certains d'entre eux en flagrant délit, mais nous n'y pouvons rien faire. Nous n'avons pas le pouvoir de les arrêter, ni même de les inquiéter. A mon avis, il manque pour l'heure une coordination dans les actions de lutte contre la pêche illicite à Madagascar en général et dans notre circonscription en particulier.

Que peut-il apporter le processus de la MP3D devant cette situation dégradante ?

Tsiza Ernest : Que chacun prenne sa part de responsabilité. De l'instance ministérielle, jusqu'aux petits pêcheurs en passant par la direction régionale de la pêche et la Mairie. Des plaidoyers ont été faits à maintes reprises auprès des autorités compétentes. La loi en vigueur, condamnant la pêche illégale, existe mais reste lettre morte. Les gouvernants ont du mal à rassembler le monde de la pêche autour d'une table. C'est justement, l'opportunité donnée par le processus 3D car elle dispose de ce pouvoir magistral : celui de réunir tous les protagonistes, au même moment, au même endroit, autour de la maquette. Chacun, expose leur préoccupation, formule leur défense, émet leurs idées. C'est tout simplement la carte sur table, le cas de le dire. C'est ainsi que l'idée d'élaborer un « Dina » ou convention interne a été discutée avec le consentement de la mairie et de la Direction Régionale de la Pêche représentés lors de l'apprentissage. Le Dina est une convention établie par les acteurs locaux de la pêche au niveau de la Commune et de la District. Cette convention devait déboucher sur la délimitation de l'espace marine locale ou le quadrillage, l'organisation et la discipline interne, la fermeture de la pêche, la normalisation des matériels et au bout les sanctions. Outre le Dina, l'idée d'immatriculer les pirogues et d'éditer des cartes de pêcheurs a surgi également pendant l'exercice afin d'identifier le vrai de l'ivraie. La Mairie et la DRP ont prévu organiser conjointement un atelier de travail et de validation de tout ce que nous a révélé l'exercice du processus MP3D. Par ailleurs, la mise à jour de la maquette a été fortement recommandée par les acteurs afin d'améliorer le Dina, au fur et à mesure en fonction des réalités existantes mais aussi de l'évolution du climat. Après la validation des textes réglementaires, par le biais du Dina, la Mairie et la DRP entendent également créer une plate forme de tous les acteurs dans la filière pêche dans notre circonscription. Cette structure sera le garant d'une coordination effective des activités de la pêche dans le secteur.

Quel profit pour vous et vos entourages ?

Tsiza Ernest : Pour moi personnellement, cela a tout d'abord confirmé la consistance de mes acquis et de mes vielles connaissances. J'ai été formé sur le tas. Nous avons des compréhensions, notamment sur la structure du corail, les récifs, l'emplacement des zones de ponte des langoustes et des crevettes, l'identification des zones dangereuses, des fonds sableux etc. Ce qui m'a émerveillé c'est que tout cela a été reproduit sur la maquette avec la collaboration active des ainés du village, des techniciens de la pêche et de la communauté entière. Nos connaissances ne nous ont pas trahi, tout cela s'est avéré juste et vrai : un recoupement, une confirmation de nos savoir-faire sur le métier. Maintenant, je suis fier de moi-même, que ce que j'avais fait depuis belle lurette tient débout sur des bases scientifiques ! Quoiqu'il en soit, mes connaissances ont également montré ses limites ? Il me manquait la précision. J'avais une idée approximative sur l'existence de mangroves dans un endroit déterminé, de zones de ponte, mais je ne connais pas le détail. Ni la dimension, ni la profondeur ni la superficie...C'est là l'intérêt de la carte en 3D. Les informations sont toutes affichées sur la maquette : distance, profondeur, dimension, température, datation. Par ailleurs, les expériences de l'exercice MP3D me donnent des idées de tout ce que je peux faire dans le futur. D'abord pour limiter le dégât, stabiliser la situation mais aussi planifier des projets. Ma famille a également profité de l'exercice MP3D. Elle devient un partenaire actif et se sent concernée par les enjeux de la pêche maritime. Ma femme, après avoir découvert la richesse de notre zone côtière, à travers les informations sur la maquette, m'a beaucoup aidé dans les initiatives de plaidoyers que notre association devait faire auprès des autorités communales. Les enfants en tant que fils de pêcheurs, ont maintenant acquis une bonne dose de connaissance sur l'environnement de la pêche dans notre localité. Je vois un transfert direct, facile et rapide de connaissances.



Quelles sont vos perspectives ?

Tsiza Ernest : Plus tard, lorsque tout sera en ordre, je peux lancer mes propres projets pour augmenter la production. Et d'attaquer l'exploitation des produits de haut de gamme, tels que langoustes, huitres, moules...Mais pour y parvenir, beaucoup de chose doit être établie au préalable : formation des exploitants, assainissement de la filière, disponibilité de moyens matériels, cohésion des pêcheurs. Il faut également mettre en œuvre une mesure d'accompagnement au développement des autres activités génératrices de revenus pendant la fermeture de la pêche.

Par ailleurs, nous souhaitons ériger carrément un parc au sein de notre délimitation. Ce sera une zone protégée, exploitée d'une manière responsable et rationnelle pour s'assurer de la durabilité de l'exploitation. Ce parc va servir de référence, une vitrine, pour tous nos voisins afin qu'ils aient une idée sur une pêche saine respectueuse de l'environnement. Dans cette perspective, il est clair que cela passe par une MP3D, une maquette spéciale « Parc » sur laquelle les informations et surtout les réglementations sont affichées. En outre, la mise en place d'une fédération des associations de pêcheurs s'avère importante. Le directeur régional de la pêche en a évoqué durant le processus de la MP3D. C'est d'une importance capitale dans la mesure où les pêcheurs puissent discuter et échanger leurs idées et à termes négocier directement avec les différents partenaires. Je vois la MP3D y jouer un rôle important en mettant à la même longueur d'onde tous les pêcheurs. Je souhaite enfin que les autres villages et Communes voisines disposent également de leurs propres maquettes. Cela évitera beaucoup de conflits et contribuera au développement de la filière, dans la mesure où tous les pêcheurs ont le même niveau d'informations et de connaissances.

Saturday, January 07, 2017

Le savoir et l’eau : favoriser la croissance Modélisation participative en 3D dans le Darfour du Nord

Le Darfour du Nord est une région sèche et poussiéreuse la majeure partie de l’année ; mais lorsqu’il pleut, le retour de la végétation lui redonne vie. Wadi El Ku, un cours d’eau saisonnier, se met soudain à couler et à alimenter en eau des milliers d’individus, leur bétail et leurs cultures. Cette région est vitale car elle est le grenier de la ville d’El Fasher, la capitale du Darfour du Nord où vivent environ 700 mille habitants.

Mais au cours des 20 dernières années, l’environnement a subi une dégradation généralisée aggravée par le changement climatique. Cette vidéo raconte l'histoire de certains habitants de cette zone qui ont uni leurs forces pour réfléchir et trouver des solutions durables notamment en ce qui concerne le manque d'eau et sa mauvaise gestion.

Le savoir et l'eau : favoriser la croissance - Modélisation participative en 3D dans le Darfour du Nord from CTA on Vimeo.

Cette activité de modélisation participative fait partie du 'Projet de gestion du bassin hydrographique de Wadi El Ku pour le développement des communautés et le maintien de la paix', financé par l'Union européenne en coopération avec le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE), Practical Action et le CTA.

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Friday, December 18, 2015

Le pouvoir de la cartographie participative en 3D chez les Saramacas du Suriname (video)



Il y a cinquante ans, quelque 5000 individus du peuple Saramaccan du Suriname ont dû quitter leurs terres traditionnelles, le long de la Rivière Suriname en raison de la construction d'un grand barrage. Les blessures de cette transmigration se font encore sentir aujourd'hui. Pendant ce temps, les Saramaccans qui vivent dans cette région font face à de nouveaux défis, car leurs droits territoriaux ne sont pas encore officiellement reconnus et les infrastructures routières pour accéder à la zone sont en voie d'amélioration. La création d'une maquette participative de la zone qui visualise et documente leurs traditions et l'utilisation traditionnelle des ressources contribue à surmonter leur frustration et leur redonner espoir.

English version: http://goo.gl/hS5nKb
Saamaka version: http://goo.gl/9XC2Jb

Thursday, March 26, 2015

Reproduire le processus en République démocratique du Congo - La modélisation participative en trois dimensions à Madagascar : une grande première -

La narration des co-facilitateurs locaux publiée le 25 mars 2015 a été enrichie, le 19 mai 2015, avec la publication d'un article d'opinion écrit par un observateur venu de la République démocratique du Congo sous l'invitation du Centre technique de coopération agricole et rurale (CTA).

Ecrit par Dominique Bikaba, Strong Roots Congo

La Modélisation participative en trois dimensions (MP3D) a déjà démontré, à travers plusieurs pays, un potentiel non négligeable quand il s’agit de mobiliser des communautés pour qu’elles planifient et gèrent de façon participative le territoire où elles habitent et les ressources naturelles qui les entourent. A Madagascar, le tout premier exercice de MP3D a eu lieu en février 2015, notamment dans le bassin versant d’Avaratrambolo.

L’exercice était conduit dans une zone rurale et agricole à plus ou moins 35 km de la capitale malgache, Antananarivo. La population de cette zone située dans la partie septentrionale de l’ile ne vit que de l’agriculture rizicole, avec un faible pouvoir d’achat et d’accès aux marchés. Le paysage rural est dominé par des terrasses de cultures rizicoles, certaines portions de plantations sylvicoles et un petit reliquat de forêt naturelle. La zone est aussi importante car elle constitue un bastion de sources des principales rivières de la région.

L’exercice de modélisation participative a eu lieu dans le cadre d’un projet de promotion agricole et de captage de l’eau potable intitulé « Allons vers une évolution », soit Ndao Hivoatra en langue malgache. Ce projet, qui a mobilisé plusieurs partenaires locaux, nationaux et internationaux dans cette partie de Madagascar, revêt une connotation particulière pour les communautés locales.

L’implémentation du projet de développement rural se déroule dans trois villages, avec le financement de la Banque Mondiale via l'Association pour le Renforcement de la Recherche Agricole en Afrique Orientale et Centrale (ASARECA) est sous la responsabilité d’Artelia Madagascar avec l’appui technique de Farming and Technology for Africa (FTA) et le Centre national de la recherche appliquée au développement rural (FOFIFA) comme partenaire scientifique. L'exercice de MP3D représente une composante ponctuelle du projet, qui compte avec le soutien technique et financier du Centre technique de coopération agricole et rurale (CTA).

Comme dans plusieurs zones en Afrique, les questions foncières sont très sensibles dans cette région. C’est ainsi qu’on explique que, en général, des communautés locales puissent être moins participatives aux multiples projets de développement rural dans le milieu. L’exercice MP3D au Madagascar a contribué sensiblement à briser les barrières liées aux sensibilités foncières de ce projet. Comme pour les projets précédents dans la zone, le projet Ndao hivoatra était sous-entendu par les communautés rurales comme une astuce de l’accaparement des terres ancestrales au profit de certaines multinationales qui se font passer pour promoteurs du développement rural dans des zones reculées en Afrique. Quand bien même, la question de la cartographie était comprise par les communautés bénéficiaires comme un moyen d’identifier les terres propices pour cette allégation d’accaparement, malgré les multiples séances de sensibilisations des facilitateurs locaux qui ont précédé l’exercice de MP3D dans le village d’Ambohitrakely.

La première phase de l’exercice prévoyait la construction de la maquette de MP3D. Cette étape était précédée par un atelier regroupant les facilitateurs locaux et internationaux venus de la République Démocratique du Congo (RDC), ainsi que les représentants des institutions impliquées dans le projet Ndao hivoatra pour donner l’ossature de l’exercice et pour identifier les préalables matériels, logistiques et de participation communautaire dans la zone du projet. C’est lors de cet atelier qu’une compréhension commune sur l’ampleur du projet de la maquette s’est dessinée.

La première visite des facilitateurs au village d’Ambohitrakely s’est déroulée sous une pluie torrentielle dans une zone érodée et moins praticable. Cette visite visait à mobiliser particulièrement les enfants écoliers pour contribuer aux travaux de traçage et de découpage des couches de la maquette, après avoir réuni au site tous les matériels requis. Le travail des enfants sur la maquette a suscité la bonne curiosité de leurs parents. Progressivement, les parents des enfants et beaucoup d’autres habitants des villages du bassin versant d’Avaratrambolo se sont mobilisés pour contribuer à la construction de la maquette. Madagascar MP3D

Le 13 février 2015, lors de son exposition officielle, la maquette a réuni dans le village d’Ambohitrakely des représentants de différents ministères en charge des affaires foncières et du développement rural, des chercheurs et des représentants des acteurs de développement intervenant dans la zone, les autorités locales, religieuses et coutumières, ainsi que toutes les couches sociales de la population qui initialement semblaient participer timidement au projet Ndao Hivoatra suite à sa sensibilité liée aux questions foncières. La maquette s’est avérée donc un élément réconciliateur avec le projet. La participation active des communautés locales du bassin versant dans la construction de la maquette et, particulièrement, dans la capture des données géo-spatiales de la zone, a notablement accru la confiance du chef des bénéficiaires. Il faut savoir que la maquette appartient aux communautés locales en tant qu’outil pour orienter les travaux du projet Ndao Hivoatra.

La maquette de MP3D se veut donc un outil puissant de planification, de gestion et d’aménagement foncier et forestier. Le succès de cet exercice à Madagascar a suscité l’utilité de l’étendre dans d’autres régions en Afrique. Par exemple, l’exercice pourrait être répliqué dans l’est de la RDC, où le processus de gouvernance et de gestion des forêts communautaires poursuit son parcours. Après la publication du Décret No 14/018 du 02 août 2014 fixant les modalités d’attribution des concessions forestières aux communautés locales en RDC, celles-ci et les peuples autochtones qu’elles regroupent, nécessitent cet outil pour les zonages de leurs territoires ancestraux au profit des projets de conservation et de développement durable dans la région. La création et le fonctionnement des forêts communautaires, ainsi que la reconnaissance des Aires et territoires du patrimoine autochtone et communautaire (APACs) en RDC est un processus qui requiert non seulement la passation d’une législation y afférente, mais aussi et surtout, d’un engagement déterminant des autres parties prenantes. Sans l’accompagnement de cette initiative par les autres acteurs techniques, scientifiques et financiers, la bonne volonté du gouvernement de la RDC pourra difficilement se réaliser.

Note de l'auteur : Le succès de cette modélisation participative en 3 dimensions revêt aussi les qualités et les compétences de l’expert en MP3D et facilitateur de cet exercice cartographie participative  à Madagascar, Barthelemy Boika, qui a démontré ses talents d’éducateur et de mobilisateur communautaire tout au long de l’exercice dans le bassin versant d’Avaratrambolo. Nos remerciements s’adressent également au Centre technique de coopération agricole et rurale (CTA) pour l’appui technique et financier à ce projet de MP3D à Madagascar.

Regardez l'entretien vidéo avec M. Dominique Bikaba, directeur de Strong Roots Congo. Le CTA invita Dominique à participer à l'exercice de façon à l'exposer à la pratique de MP3D et ainsi faciliter la reproduction de l'exercice dans le bassin du Congo.

Commentaires de Dominique Bikaba sur sa participation à un exercice de MP3D à Madagascar from CTA on Vimeo.

Thursday, March 12, 2015

Données participatives

La modélisation participative en trois dimensions est un outil communautaire qui s'appuie sur le savoir autochtone local à des fins multiples, comme la planification de l’utilisation des sols, la gestion de bassins hydrologiques, la prévention contre les catastrophes, la communication et la sensibilisation.

Contribution d’une femme à la production de données pour
le modèle  3D (Villages de Telecho et Oromia en Ethiopie, 2010)
La modélisation participative en 3D (MP3D) est un outil communautaire, qui peut tout aussi bien être défini comme un « processus », qui intègre des connaissances spatiales locales et des données sur l'élévation du terrain et la profondeur des mers pour générer un modèle physique. Les communautés locales participent à la modélisation du territoire dont dépendent leur subsistance et leurs pratiques culturelles. Les données générées par le processus de MP3D sont extrêmement variées, mais pour l'essentiel, elles sont pertinentes pour les détenteurs du savoir local (couverture des sols, utilisation des sols et infrastructure, etc.) et sont étroitement liées à la culture d'un peuple donné, à ses sites sacrés, à ses cimetières.

La MP3D est déjà utilisée dans de nombreuses situations : la revendication de la propriété d'un territoire, le transfert de connaissances intergénérationnel et la gestion des conflits. Elle a récemment pris son essor dans la région Pacifique, permettant à la population des petits pays insulaires, où la montée du niveau de la mer menace les moyens de subsistance de nombreuses personnes, à prendre des décisions informées pour une gestion optimale des risques et une adaptation au changement climatique. 

Origines de la MP3D

La MP3D a d'abord été utilisée à la fin des années 1980 en Thaïlande afin de montrer où le Département royal des forêts développait des plantations dans le cadre de la réhabilitation de bassins versants. Il s'agissait alors d'un outil de démonstration axé sur la conservation, et non d'un outil participatif. Madame Uraivan Tan-Kim-Yong, docteur en anthropologie à l'université de Chiang Mai, dirigeait alors un programme de recherche faisant participer des tribus vivant dans les montagnes. Elle invitait ses élèves à fabriquer de petites maquettes en polystyrène et à les apporter dans les villages pour discuter de la conservation des sols et des problèmes liés à l'érosion. 

Ces modèles ont démontré leur utilité et ont fini par attirer l'attention d'autres protagonistes qui ont commencé à développer et à déployer le processus de MP3D. Le Programme germano-thaï de développement des régions montagneuses (TG-HDP) (1981-1998), financé par l'Agence de coopération technique allemande, était l'un des premiers à adopter de cet outil [1]. Pour la première fois, les modèles 3D ont commencé à être utilisés dans les villages et de façon participative. Ils ont commencé à évoluer d'un outil de démonstration à un outil d'éducation, pour finalement devenir un outil de planification. En 1993, un atelier a eu lieu en Thaïlande, où ont assisté plusieurs ONG d'Asie du Sud-Est. Des organisations telles que l'Association philippine pour le développement interculturel (PAFID) et le Forum écologique des Visayas occidentales ont commencé à adopter la MP3D et à l'utiliser avec les populations autochtones. Les modèles les ont aidés à répondre à la demande de minorités tribales de générer un grand nombre de données prouvant leur occupation ancestrale des terres et de l'eau afin d'obtenir les droits coutumiers d'occupation et d'usage reconnus par le Gouvernement. Au fil des années, la MP3D a profité de la créativité des nombreux utilisateurs qui ont pris part au processus. 

Défis initiaux  

Toutes les nouvelles technologies se heurtent à des difficultés lors de leur mise en œuvre. Avec la MP3D, le premier défi est la disponibilité de modèles numériques d'élévation (MNE) suffisamment détaillés, à jour et précis.
De personnes âgées discutant des caractéristiques d’une carte sous
le regard et l’écoute attentifs de jeunes.  (Villages de Telecho et
Oromia en Ethiopie, 2010)
Par exemple, certains MNE ont été produits il y a plusieurs décennies. Or, si un modèle vierge est élaboré sur la base d'un modèle d'élévation obsolète, les dépositaires de savoir pourront signaler le changement de caractéristiques topographiques, comme l'érosion d'un littoral, la modification du cours d'une rivière ou la transformation d'une côte en raison d'un glissement de terrain. Une fois le problème du MNE résolu, les détenteurs du savoir local renseignent le modèle et y partagent et visualisent leurs connaissances spatiales. Les habitants s'amusent beaucoup à faire ce genre d'exercice, qui de surcroît est très gratifiant. 

Appliquer la MP3D pour cartographier des zones étendues, comme par exemple un pays entier, constitue un autre défi. La MP3D requiert une préparation et une logistique considérables. Par conséquent, l'outil est fréquemment déployé dans des points chauds ou des régions sensibles. Dans les petits états insulaires, c'est un outil utile pour cartographier les paysages terrestres et marins, et, à terme, de vastes régions voire un pays entier. 

Dans certains pays, l'utilisation de la MP3D a eu un impact indéniable sur la politique. Aux Philippines, le gouvernement a adopté le processus dans de nombreux de contextes allant de la résolution des conflits à l'attribution de la propriété foncière et maritime aux autochtones. En 2001, le ministre de l'Environnement et des Ressources naturelles a signé une circulaire administrative recommandant l'utilisation de la MP3D dans la « planification des zones protégées et la gestion durable des ressources naturelle » [2]. À compter de novembre 2014, 165 modèles fournissant des données fondamentales pour le processus d'élaboration de politiques ont été réalisés dans les Philippines. Autre cas plus récent, le gouvernement du Samoa a adopté le processus dans le cadre de l'adaptation au changement climatique et de la gestion des risques axée sur la communauté. 

Au niveau international, la MP3D a été recommandée par le CTA, le PNUD, le FIDA, le FEM, l'UNESCO et plus récemment par l'UICN dans le cadre de la « promesse de Sydney » de 2014. 

Du support physique au support numérique  

Il est important de définir où les modèles 3D sont stockés, qui est responsable de leur conservation, de leur usage et de leur mise à jour. Un modèle est inutile s'il est enfermé dans une pièce inaccessible ou si on le place dans une vitrine et que l'on en fait une pièce de musée. Les modèles doivent faire partie de la vie de tous les jours. Ils servent à enseigner la géographie et l'histoire du territoire aux enfants. Cela est vrai pour les modèles physiques qui se trouvent généralement sous le contrôle direct des détenteurs du savoir. Leur représentation numérique, en revanche, suit une tout autre voie et ses dépositaires sont généralement différents. 

Une fois que les données passent du support physique au support numérique, il existe un risque de mauvaise utilisation ou de partage involontaire. Il est essentiel que les intermédiaires désignés comme les dépositaires des données soient une entité fiable et digne de confiance qui protégera ces données et répondra aux souhaits de la communauté lorsqu'il s'agira de les partager. La confiance et l'éthique jouent ici un rôle important. Les personnes qui effectuent des travaux de recherche extraient parfois des données et pourraient ignorer le fait que le processus de cartographie devrait d'abord et avant tout profiter aux détenteurs du savoir. Des individus sans scrupule pourraient entraîner d'autres personnes à partager les données afin de les exploiter. La MP3D suppose un niveau d'éthique élevé et une relation de confiance entre les différents acteurs, à savoir, les détenteurs du savoir et les intermédiaires/facilitateurs maîtrisant les technologies. 

En 2006, la communauté d'utilisateurs se consacrant à la pratique des SIG participatifs a mis au point une directive [3] sur l'éthique pratique destinée aux utilisateurs des SIGP, les facilitateurs, les intermédiaires technologiques et les chercheurs afin d'encourager l'adoption de bonnes pratiques. Elle a été publiée en 12 langues et régit le comportement des personnes impliquées dans les processus de génération, de traitement, de stockage et de partage des données en cartographie participative. Le code recommande que les détenteurs du savoir gardent le contrôle total tout au long du processus et que les données soient rassemblées, puis partagées avec leur consentement libre et éclairé. 

En majorité, les données de la MP3D ont été bien protégées. Toutefois, il est arrivé que des données entrées dans un modèle soient mal utilisées. En Asie du Sud-Est, on rapporte que des tombes situées sur un modèle 3D ont été pillées parce ces données n'avaient pas été retirées et avaient été laissées accessibles au public. Par conséquent, il est important de sensibiliser les gens sur les implications de la géolocalisation des données sensibles et leur diffusion au public. Ils peuvent alors décider ce qu'ils peuvent visualiser, ce qu'ils veulent abandonner ou effacer du modèle. 

Un des composants les plus importants du processus de MP3D est l'implication d'agences externes depuis le tout début. Cette implication peut sensibiliser les personnes extérieures à la profondeur, à la précision et à la pertinence des savoirs locaux. Elle peut également susciter un nouveau sentiment de respect pour les détenteurs du savoir local. 

Références   

[1] P3DM for Participatory Land Use Planning (PLUP) in Thailand, Integrated Approaches to Participatory Development (IAPAD). 

[2] Participatory 3-Dimensional Modelling as a Strategy in Protected Area Planning and Sustainable Natural Resources Management.Memorandum, Department of Environment and Natural Resources, Republic of the Philippines, Integrated Approaches to Participatory Development (IAPAD). 

[3] Rambaldi,G., Chambers, R., MCcall M. And Fox, J. (2006) Practical ethics for PGIS practitioners, facilitators, technology intermediaries and researchers, Participatory Learning and Action, 54, IIED (April) 106-113. 

Pour entrer en contact avec la communauté SIGP, vous pouvez vous inscrire à la liste électronique de discussion. C'est le meilleur moyen pour se tenir au courant de ce qui passe dans le domaine SIGP ainsi que pour poser des questions et partager des opinions. La liste global francophone compte environ un millier de membres. La liste propose également des rubriques pour l'échange en anglais, en français et en portugais. Pour s'inscrire et en savoir davantage, veuillez visiter le site http://www.ppgis.net 

Monday, March 02, 2015

La modélisation participative en trois dimensions à Madagascar : une grande première

Situé à 35 km de la capitale Antananarivo, le bassin versant d’Avaratrambola qui inclue trois fokontany (village traditionnel malgache) dont Avaratrambolo, Ampahitrizina et Ambohitrakely, appartient à la commune rurale d’Ambohitrolomahitsy. Elle couvre une superficie de plus de 13 km². Les caractéristiques agro-climatiques et socio-économiques du bassin versant sont typiques de la région centrale du Madagascar, qui est formé par des hauts-plateaux. Dans le cadre du développement rural, un projet appelé Ndao Hivoatra qui signifie « Allons vers une évolution » a été appliqué aux trois fokontany cités précédemment. L’implémentation du projet financé par la Banque Mondiale via l'Association pour le Renforcement de la Recherche Agricole en Afrique Orientale et Centrale (ASARECA) est sous la responsabilité d’Artelia Madagascar avec l’appui technique de Farming and Technology for Africa (FTA) et le Centre national de la recherche appliquée au développement rural (FOFIFA) comme partenaire scientifique.

Pour stimuler la participation de la communauté, l’équipe de gestion du projet a opté pour une nouvelle approche, plus participative et ayant déjà fait ses preuves dans divers pays : la modélisation participative en trois dimensions ou MP3D, une première à Madagascar. Cet exercice de cartographie participative a eu lieu du 3 au 13 Février 2015 avec la participation active des habitants des trois fokontany, des techniciens affectés au projet, des co-facilitateurs locaux, des représentants de diverses Organisations non gouvernementales (ONG) ainsi que de deux facilitateurs expérimentés venus de la République démocratique du Congo (RDC). La présence de ces derniers était soutenue par le Centre technique de coopération agricole et rurale (CTA). L’exercice s’est effectué en trois grandes étapes biens distinctes : la construction de la maquette, l’élaboration de la légende de la maquette et la mise en place de la maquette sur la base des données générées à partir des souvenirs des résidents. La maquette, élaborée à l’échelle 1 : 3000 (1 cm sur la maquette correspond à 30 m sur le terrain), couvre une surface totale de 2,304 ha et mesure exactement 1,6 m de chaque côté.

La première étape exigea un travail de précision. Chaque action devait être entreprise avec un maximum de méticulosité. On laissa ce travail de bricolage aux petits soins d’une vingtaine d’élèves bénévoles, issus de l’école primaire publique d’Avaratrambolo et du collège d’enseignement général d’Ampahitrizina avec l’encadrement des facilitateurs congolais, des co-facilitateurs locaux, des techniciens affectés au projet et des représentants des ONG. Cette étape se déroula en deux jours avec l’enthousiasme des élèves et le dynamisme des facilitateurs.

Dans la deuxième étape, il fallait élaborer la légende de la carte et définir la façon de la visualiser sur la maquette. Complétée en un jour, cette phase témoigna l’étroite collaboration entre les représentants des trois fokontany et les intervenants externes. Pour finir, l’étape du remplissage de la maquette se présenta. Ce travail exigeait une parfaite connaissance du milieu agro-écologique local. Cette étape vit une participation active et disparate de la population locale : hommes, femmes, jeunes, personnes âgées et dirigeants s’impliquèrent dans la tâche. En d’autres termes, elle démontra l’efficacité de l’approche participative, car presque la totalité de la communauté locale était réunie autour de la carte pour essayer d’identifier ses terres et ses caractéristiques suivant la légende définie préalablement ; tout cela sans l’intervention des experts ni des facilitateurs.

Durant le processus, la communauté se posait à voix basse la question « à quoi servira cette carte pour nous? ». Dès que la carte fut achevée, le premier constat de la population locale fut que leur rizière ne couvrait qu’une petite partie de la maquette, d’où la conclusion que l’exploitation d’une plus grande surface est envisageable. Le second constat souleva des problèmes liés au régime foncier, une préoccupation prioritaire dans l’approche nationale du développement. Certains participants furent de l’avis que, grâce à cet outil, ces problèmes pouvaient être résolus à l’aide d’une discussion autour de la maquette avec les responsables du foncier. La troisième observation était en rapport avec le réseau hydrique ; les techniciens affectés au projet remarquèrent que le milieu est riche en eau, donc la gestion efficace de cette dernière doit être primordiale ; ceci est d’ailleurs un des objectifs du projet. Une fois achevée, la maquette fut alors dévoilée au grand public : des enfants aux adultes, et même à ceux qui étaient étrangers au milieu.

Pour conclure, ce premier exercice de MP3D fut un franc succès dans la mesure ou, dès sa présentation, les exécutants du projet ont reçu plusieurs demandes de répétition. L’exercice démontra l’essence même de l’approche participative car, durant toutes les étapes, l’on a pu observer la participation active de différents groupes représentatifs de la communauté du bassin versant, et cela sans aucune préoccupation de la situation, du niveau de vie, du genre. En somme, la barrière de la discrimination a été supprimée. Ainsi, on peut affirmer que l’exercice ne s’arrêtera pas sur ce lieu. Ce n’est que le début d’une succession d’interventions comme celle-ci, puisque cet outil a démontré sa puissance et sa richesse à tous les niveaux du milieu rural.

Ecrit par Christian Andrianarison Sitraka et Sarobidy Hasimbola Razanajatovo Tsilavo

Regardez l'entretien vidéo avec l'un des experts, M. Serge Rakotoson, lors de l'implémentation du projet.

Est qu'on arrivera à faire pareil? Serge Rakotoson réfléchit sur les défis et les résultats surprenants d'un exercice MP3D from CTA on Vimeo.

Friday, October 10, 2014

Une carte en 3D financée par le CTA aide une tribu à consigner et à articuler son savoir traditionnel

Les Saramaca installés le long du Haut Suriname espèrent qu'un système d'information géographique proposé par Tropenbos International et le CTA leur permettra de surmonter le traumatisme provoqué par la perte de leurs terres historiques voilà cinq décennies, dont les effets se font sentir aujourd'hui encore. Lors de l'édition 2014 de la Semaine caribéenne de l'agriculture, Godfried Adjako, l'un des chefs des Saramaca, a parlé de l'expérience de son peuple à l'occasion d'un séminaire présenté le jeudi par Giacomo Rambaldi du Centre technique de coopération agricole et rurale ACP-UE (CTA) et Rudi van Kanten de Tropenbos International, sur le thème de la cartographie participative en 3D (CP3D).

Par le biais de son interprète Debora Linga, Adjako a expliqué que depuis que Tropenbos a encouragé les Saramaca à produire une carte P3D de leur propre territoire, en début d'année, ce peuple dépossédé de ses terres retrouve espoir. Les Saramaca ont été déplacés contre leur gré lorsque le gouvernement du Suriname a lancé la construction du barrage d'Afobaka dans les années 1960 : avec la création du réservoir de Brokopondo, ce sont toutes leurs terres qui ont été inondées, les forçant à déménager de leur forêt équatoriale vers d'autres villages saramaca. Linga explique que ce départ subi « nous affecte quotidiennement... encore aujourd'hui. Les Saramaca ne cessent d'en parler. »

Le projet de carte participative en 3D, promu entre autres par le CTA, a été achevée le mois dernier. Elle repose sur le savoir géographique du peuple indigène. Elle présente clairement tous les points importants : en prenant les ruisseaux et les rivières comme principaux points de repère, elle situe les terres de chasse, les fermes, les routes, les villages, les forêts et d'autres infrastructures des Saramaca. Cette carte ne repose pas sur des données scientifiques, mais sur le savoir local traditionnel.

Van Kanten a expliqué que cette carte a ensuite été « géoréférencée et numérisée pour être utilisée lors des prises de décision. » Il précise que la carte permet d'expliquer aux personnes extérieures comment les Saramaca exploitent la forêt, en donnant des informations qui pourront être utilisées à des fins de développement local, notamment pour raccorder les villages à l'électricité et à l'eau courante, ou pour créer des dispensaires et des écoles. En évoquant l'histoire et les traditions des Saramaca, la carte sert également à transmettre le savoir aux nouvelles générations.

La carte « modélise les conséquences du changement sur les biens et les services de l'écosystème et sur les moyens de subsistance dans la forêt », ajoute-t-il, ce qui peut aider les membres du gouvernement qui prévoient des programmes de développement économique dans la région.

Rambaldi est un pionnier de la cartographie participative en 3D. Après l'avoir fait découvrir au CTA, où il travaille désormais, il l'utilise aujourd'hui dans le monde entier. Rambaldi a expliqué que dans les PEID, la modélisation gagne en popularité dans les stratégies d'adaptation au changement climatique. En plus d'aider à atténuer les risques de catastrophes naturelles, elle permet de mieux gérer et de résoudre les conflits territoriaux. Enfin, elle offre aux peuples indigènes une certaine autodétermination vis-à-vis de leurs terres.

Pour autant, cette carte ne mentionne pas toutes les informations importantes pour le peuple Saramaca. Adjako a expliqué que la carte n'indique pas les cimetières sacrés par exemple, pas plus qu'elle ne situe les réserves aurifères, a précisé Linga.

Cette dernière a expliqué que le peuple Saramaca souhaite que cette carte puisse être utilisée par les personnes et les entités intéressées par la région, et qu'il valait donc mieux ne pas divulguer des informations aussi sensibles. Rambaldi a précisé qu'aux Philippines, certains peuples indigènes qui avaient révélé toutes les informations les concernant sur leur carte en 3D ont été victimes de voleurs et d'individus mal intentionnés. « Il est important de faire un choix quant aux informations qui seront rendues publiques », déclare-t-il.


Auteur : Jewel Fraser

Saturday, September 06, 2014

Les forêts des Saramaca : les cours d'eau au coeur d'un exercice de modélisation participative en trois dimensions le long du Haut Suriname

JAW JAW, SURINAME, le 6 septembre 2014. Depuis Atjoni (Suriname), il faut 40 minutes en pirogue à moteur pour atteindre Jaw Jaw, village parsemé sur les rives du puissant fleuve Suriname. Environ 17 000 Afro-Surinamais, membres de la tribu des Saramaca, vivent dans cette région. Leurs moyens de subsistance sont la culture itinérante, la pêche, la chasse, la récolte de produits sylvicoles, les services de transport fluvial, les programmes d'emploi du secteur public et les aides envoyées par des proches.

Pendant 10 jours, une centaine de représentants de 14 villages (totalisant environ 5 000 habitants) situés le long du fleuve Suriname, en aval du village de Lespansi, ont participé à l'assemblage d'une impressionnante maquette, à l'échelle 1:15 000, d'une zone couvrant environ 2 160 km2. Des jeunes (principalement des filles) du village de Jaw Jaw ont assemblé la maquette vierge d'après les conseils de représentants de Tropenbos International Suriname et du Centre technique de coopération agricole et rurale (CTA). Des hommes et des femmes saramaca de tous les âges ont complété cette maquette avec 38 types de repères qu'ils estiment utiles à leur orientation, leur subsistance et leur culture. 

Avec l'autorisation libre, préalable et éclairée des représentants des villages, les ensembles de données ont été archivés sous forme de photographies numériques haute résolution, qui seront importées dans un environnement SIG de confiance par Tropenbos. 

Lors de l'ajout des repères à la maquette, il est apparu qu'en l'absence de caractéristiques géographiques visibles comme des collines ou des montagnes (la zone est relativement plate), les Saramaca utilisent les cours d'eaux pour s'orienter sur la carte. C'est pourquoi ils ont commencé par obtenir un consensus sur l'emplacement et le nom de tous les cours d'eaux des zones concernées. Ils ont ainsi identifié cinq types de cours d'eau, qu'ils distinguent selon leur largeur, leur caractère navigable et leur accessibilité saisonnière par bateau. 

Le samedi 6 septembre 2014, des représentants des villages ont présenté leur travail à des représentants d'agences gouvernementales (le Ministère du développement régional, le Ministère de l'agriculture, de l'élevage et de la chasse, la Commission sur l'exploitation aurifère au Suriname [OGS] et la Fondation pour la gestion et le contrôle de la production des forêts [SBB]), du CTA, de la Fondation pour le développement de l'arrière-pays (FOB), d'organisations non gouvernementales (WWF-Guianas, Tropenbos International Suriname, Amazon Conservation Team (ACT), l'Association des chefs de villages indigènes du Suriname (VIDS), d'organisations locales (Wan Mama Pikin et l'Association des autorités saramaca (VSG), du secteur privé (les propriétaires de gîtes du Haut Suriname (LBS)) ainsi que des médias nationaux (DWT et Surinaamse Televisie Stichting (STVS)). 

Les représentants des villages ont présenté la maquette et expliqué le processus de définition, d'affinement et d'actualisation de sa légende, tout en décrivant les débats animés qui ont conduit à l'installation des repères sur la maquette vierge. Non sans fierté, ils ont indiqué que le modèle sera exposé dans l'un des villages facilement accessible depuis l'extérieur, afin de faciliter les processus de négotiation et de planification. Aux yeux des villageois, la maquette est désormais un outil qui leur permettra de planifier leur propre développement et favorisera les interactions avec les promoteurs, les investisseurs et les décideurs. 

M. Erwin Fonkel, chef du village de Jaw Jaw, a rappelé un point essentiel lors de l'entretien qu'il a accordé à STVS TV : « Cet exercice de cartographie me semble essentiel : par le passé, nous nous étions essayés à la cartographie mais en omettant de nombreuses informations. Nous avons élaboré nous-mêmes cette maquette, et avons davantage fait entendre notre voix lors de la définition de son contenu. Auparavant, les cartes omettaient de nombreux lieux primordiaux, des rivières, des lieux où trouver des ressources et générer des revenus. » 

Le programme de paysagisme productif de Tropenbos International Suriname et la Stratégie de renforcement des compétences pour la planification de l'aménagement territorial au Suriname de WWF Guianas utilisera la maquette pour impliquer les parties prenantes dans l'élaboration de scénarios d'aménagement territorial et procéder à des évaluations participatives des services écologiques. Comme l'avaient prévu plusieurs chefs locaux, la maquette, désormais confiée au peuple saramaca, sera utilisée pour formuler des propositions d'investissements en matière d'infrastructures locales et de développement durable, par exemple pour des raccordements électriques et du tourisme vert.   

Remarque : cette activité s'est déroulée dans le cadre du projet « Modéliser les compromis entre les scénarios d'aménagement territorial et les services écologiques dans la région du Haut Suriname ». La composante participative de la cartographie avait pour vocation d'autonomiser les villages afin de faire entendre leur voix et leur donner un rôle actif, autant dans la gestion de leurs terres et de leurs ressources naturelles que dans les processus de prise de décision dont ils dépendent. 

Thursday, August 16, 2012

Les éleveurs recherchent l’eau et la paix au Tchad : compte-rendu d’un exercice participatif de cartographie au Sahel

BAÏBOKOUM, TCHAD : Du 31 juillet au 11 août 2012, l’Association des Femmes Peules Autochtones du Tchad (AFPAT), en collaboration avec le Secrétariat du Comité de Coordination des Peuples Autochtones d'Afrique (IPACC, Indigenous Peoples of Africa Coordinating Committee), a dirigé une formation sur la modélisation tridimensionnelle participative dans la région de Baïbokoum, dans le Logone oriental, dans le sud du Tchad.


Dialogue à trois sur le changement climatique from CTA on Vimeo.

Le projet de cartographie tchadien mettait l’accent sur la formation d’éleveurs activistes de différentes parties du Tchad, ainsi que de pays voisins et d’Afrique de l’Est, pour les initier aux bases de la cartographie et leur apprendre comment mener un exercice de cartographie participative en 3D (CP3D) avec des peuples autochtones M’bororo nomades et semi-nomades dans la région de Baïbokoum.

La population rurale de Baïbokoum est confrontée à des défis liés à la concurrence pour les ressources similaires à ceux d’autres parties d’Afrique. Ils comprennent les changements dans l’utilisation de la terre, notamment l’empiètement par des exploitants sédentaires, la perte de la biodiversité résultant de la modification de l’utilisation de la terre, l’impact des industries extractives et les impacts du changement climatique. Tous ces facteurs contribuent à l’accroissement de la vulnérabilité des populations, à la dégradation des sols et de la biodiversité, à l’insécurité alimentaire et à des risques de conflit.

Le projet Baïbokoum s’inscrit dans le prolongement de l’atelier qui s’est déroulé en novembre 2011 à N’Djamena, au Tchad, où des éleveurs de l’AFPAT et du réseau IPACC ont rencontré l’Organisation météorologique mondiale, l’UNESCO, le CTA et les services météorologiques du Tchad, pour débattre de l’adaptation au climat et des risques encourus aujourd’hui par les communautés nomades en Afrique. L’atelier de N’Djamena a mené à la Déclaration de N’Djamena sur le savoir traditionnel et l’adaptation au climat présentée à la 17e Conférence des Parties à la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques.

Les membres de la communauté nomade et semi-nomade des villages du district ont ensuite passé trois jours à coder la carte avec le savoir traditionnel autochtone, montrant l’utilisation des terres, l’itinéraire traditionnel de la migration du bétail, les caractéristiques de l’écosystème et les informations relatives à la biodiversité. Les stagiaires sont venus à Baïbokoum en provenance de cinq régions différentes du Tchad, ainsi que du Niger, du Cameroun, du Kenya, de la Tanzanie et de l’Ouganda. Le soutien technique et la formation ont été fournis par M. Barthelemy Boika du Réseau des Ressources Naturelles de la République Démocratique du Congo. Le Secrétariat de l’IPACC (Afrique du Sud) a également contribué à la formation et donné des conseils.


Les stagiaires ont réalisé des travaux pratiques avec des cartes provisoires, une formation aux compétences GPS, le choix d’une légende dans une langue locale (dans ce cas, le fufulde), et se sont initiés aux bases de la cartographie, de la mise à l’échelle et du géoréférencement. Ils ont passé quatre jours à élaborer une maquette 3D géoréférencée à échelle de Baïbokoum et de ses environs (24km x 20 km ; échelle 1:10 000).

La maquette en 3D qui en a résulté possédait quelques caractéristiques notables, dont l’accent mis par les éleveurs sur les différents types d’eau de surface – saisonnière, permanente, marécageuse et vive. Les éleveurs ont également pu identifier six espèces d’arbre protégées par la loi coutumière M’bororo. Ces six espèces d’arbre ont toutes des propriétés médicinales et une utilité dans l’écosystème et ne peuvent donc être ni coupées, ni endommagées. Elles servent également de repères lors des déplacements depuis des générations.

Les éleveurs se souciaient principalement de l’expansion des exploitants sédentaires qui ont bloqué les routes traditionnelles de transhumance le long desquelles le bétail pouvait accéder à l’eau potable. Les éleveurs accusaient les exploitants de brûler leurs champs, nuisant ainsi à la biodiversité, y compris des espèces d’arbres protégées depuis des temps immémoriaux. Les éleveurs ont remarqué que l’on creusait maintenant des puits de pétrole dans le territoire voisin, ainsi qu’un pipeline, mettant la pression sur eux des deux côtés. De brusque changements de temps et de climat, avec à la fois des sécheresses et des inondations, les ont rendus plus vulnérables et a renforcé le risque de conflit armé dans la région.

Plus de soixante membres de la communauté M’bororo ont participé à la cartographie, ainsi que les stagiaires, des villageois et des enfants scolarisés. Les dirigeants de la communauté se sentaient confiants et pensaient que la carte pouvait contribuer à résoudre les conflits naissants dans la communauté. L’événement a été clôturé officiellement le 10 août par Son Excellence le Gouverneur du Logone oriental, le Président de 5% Revenue from Oil Exploration, le Préfet et le Sous-préfet de Baïbokoum et des représentants de la Gendarmerie nationale et des Ministères de l’Élevage et de l’Agriculture et du Département en charge du changement climatique.

Le Gouverneur a immédiatement proposé de jouer le rôle de médiateur dans un processus de négociation entre les communautés sédentaires et nomades pour rouvrir les couloirs de transhumance afin que les éleveurs puissent de nouveau accéder à l’eau. Les participants ont indiqué que ces communautés pouvaient entretenir des relations de symbiose et de soutien. La résolution des conflits et l’adoption d’une approche préventive pour éliminer la concurrence vis-à-vis des ressources constituent un aspect fondamental de l’adaptation au climat et du développement des zones rurales.

La Coordinatrice de l’AFPAT, Hindou Oumarou Ibrahim, a salué le gouvernement et la communauté pour leur volonté d’explorer de nouvelles voies de coopération. Elle a souligné l’importance que les hommes et les femmes M’bororo accorde depuis des siècles à la conservation de la nature et a entamé des discussions avec le Président de 5% oil revenues pour examiner comment les éleveurs M’bororo pourraient être davantage impliqués dans la protection des espaces forestiers menacés dans les montagnes environnant Baïbokoum.

Le processus de cartographie, l’étude des questions conflictuelles et l’établissement de la paix ont été documentés par Jade Productions qui a réalisé un film qui sera diffusé pour la première fois à la 18e Conférence des Parties à la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques prévue à Doha, au Qatar. Les médias nationaux ont réalisé des reportages radiodiffusés tout au long de l'atelier puis une émission de télévision, à l'issue de l'événement protocolaire de clôture.

L’atelier a été organisé pendant le mois saint du Ramadan, ce qui a conféré une dimension supplémentaire car les enseignements et les valeurs religieuses peuvent également encourager les personnes à coopérer, même dans des circonstances où elles ne partagent pas la même langue. Pendant les deux semaines qu’a duré l’atelier, les éleveurs autochtones du Kenya, du Cameroun et du Niger se sont joints à leurs homologues tchadiens pour les prières et le jeûne.

L’événement a bénéficié de la générosité du Centre technique de coopération agricole et rurale ACP-UE (CTA), avec un appui financier supplémentaire de Bread for the World, Norwegian Church Aid et Misereor. Des documents, photographies et vidéos peuvent être consultés sur www.ipacc.org.za/fr


Crédits pour le texte et les photos : Nigel Crawhall, IPACC

Tuesday, May 22, 2012

Retour sur l'expérience en P3DM à Boeboe, îles Salomon, à travers les yeux d’une femme

HONIARA, le 25 mai 2012  - Nous avons demandé à Winifred Pitamama, laquelle a pris part à un exercice de modélisation participative en 3D qui s'est déroulé en février 2011 dans le village de Boeboe, province de Choiseul dans les îles Salomon, de nous faire part de son expérience et des leçons apprises. Ci-dessous figure son récit.

« Je m'appelle Winifred Pitamama du village de Boeboe, province de Choiseul dans les îles Salomon. Je suis enseignante. Au nom des habitants de Boeboe, et notamment des femmes et des enfants, j'ai le très grand honneur et le privilège de me tenir devant vous, partenaires très ingénieux ayant participé à cet atelier, pour partager notre expérience concernant l'exercice de modélisation participative en 3D qui s'est déroulé dans mon village en février 2011. Je vais vous parler de la participation des femmes et des enfants au démarrage du projet, de leur réaction une fois le modèle achevé, des leçons qu'ils ont tirées du modèle, de leur expérience du modèle P3D s’agissant de l'environnement et de l'exploitation minière, de mon point de vue en tant qu'enseignante et des mesures que nous devrions prendre concernant les changements climatiques.

Lorsque ce modèle P3D a été réalisé, les femmes et les enfants étaient très excités et ont consacré beaucoup de temps à sa confection. Ils ne voulaient pas rentrer chez eux, ni s'arrêter pour déjeuner. Certains continuaient même de travailler jusqu'à 3 heures du matin ! Ce faisant, nous avons réussi à achever le modèle P3D de notre village, sans savoir l'importance qu'il allait revêtir pour nous.

Mais une fois le modèle terminé, nous avions sous les yeux le tableau exact de notre terre natale. Nous étions vraiment heureux, parce que tout le monde ne savait pas lire une carte ni même ce qu'étaient des lignes de contour. Et c'est ainsi que nous avons beaucoup appris, rien qu'en construisant et en regardant la carte en 3D. Elle nous donne de nouvelles informations sur le paysage, les ruisseaux, les rivières, les mangroves marécageuses, les sites culturels, les zones de conservation et bien plus encore. Même les zones de prospection minière ! Elle donne de la valeur à notre lieu de vie.


Modelling the Future in Boe Boe Community, Solomon Islands from CTA on Vimeo.

Toutefois, nous avons aussi remarqué les effets des changements climatiques sur l'environnement. Comme nous dépendons beaucoup des ressources marines, nous avons réalisé que la plupart des endroits où se trouvent des coquillages comestibles sont maintenant recouverts d'eau de mer et que le niveau ne cesse d'augmenter. On peut également voir que certaines régions qui jusque-là restaient au sec sont effleurées par la hausse du niveau de la mer. Désormais, les femmes et les enfants comprennent que les changements climatiques suivent leur cours. Cela est dû aux activités humaines.

Par conséquent, nous avons besoin de considérer l'exploitation minière avec soin, et notamment ses effets à long terme. Nous pouvons prédire que, si l'extraction a lieu, nos ressources, notamment en termes d'alimentation, seront menacées. Et pas seulement cela. Nos forêts et nos sites culturels devraient aussi être respectés. Autrement, nous perdrons tout !

De ce fait, nos enfants d'âge scolaire ont besoin d'être informés du modèle P3D. En effet, en tant que professeur de sciences sociales, je dois reconnaître que ce modèle m'a été très utile dans mes leçons sur les lignes de contour et les paysages et même les changements climatiques. J'ai aidé mes étudiants à prendre cette information au sérieux, car nous avons besoin du développement, afin que tout le monde ait la possibilité d'augmenter son niveau de vie. Ainsi, les gens de mon village commencent à s'éloigner des zones côtières pour gagner des terres plus élevées mais cela prend du temps et il faut de l'argent pour une telle réinstallation.

Toutefois, lorsqu'on veut, on peut.

Sur ces quelques remarques,

Merci à tous ! »

Monday, January 17, 2011

Notre passé et notre présent au travers d'un miroir : récit d'un exercice de CP3D en Éthiopie

La senteur de cuir qui émanait du lieu de la manifestation n'était que la confirmation du fait que nous étions au cœur de l'Éthiopie rurale, dans un village du nom de Telecho, à quelques 30 kilomètres au nord d'Holeta. Nous venions de nous réunir avec 20 délégués en provenance d'Éthiopie, du Kenya, de Tanzanie, d'Afrique du Sud, d'Ouganda, du Cameroun et du Bénin pour co-animer un exercice de cartographie participative mis en œuvre par plus de 130 villageois originaires de 28 kebeles situés autour d'une montagne connue sous le nom de Foata.

L'exercice, organisé par l'ONG nationale MELCA-Ethiopia avec l'appui du Centre technique de coopération agricole et rurale ACP-UE (CTA), constituait la réponse à un appel à l'aide de la communauté, qui souhaitait réhabiliter son environnement après plusieurs décennies de déforestation et de dégradation importante des sols. Après plusieurs mois de préparation, l'exercice s'est déroulé du 8 au 18 décembre 2010 dans le village de Telecho, au milieu d'un paysage doré riche en blé, en teff et en seigle mûrs et entrecoupé de bandes foncées de terre labourée et de tissus de sols exposés au soleil.


Cartographie pour le changement. Expérience des agriculteurs dans la zone rurale d’Oromiya, Éthiopie from CTA on Vimeo.

Près de 140 personnes ont travaillé en équipes sur la maquette qui couvre une surface rurale totale de 672 km², à l'échelle 1:10,000, y compris des portions de quatre woredas : Welmera, Ejere, Adea berga et Mulo. Assistés par les formateurs, 14 étudiants, trois enseignants et les délégués étrangers (les stagiaires) ont élaboré la maquette vierge. Environ 110 anciens, représentants de 28 kebeles, ont contribué par groupes à l'élaboration de la légende de la carte et au report de leurs cartes mentales sur la maquette. Un certain nombre de représentants d'entités du gouvernement local ont également participé à l'exercice.

L'assemblage de la maquette vierge avec des plaques de carton de 3 mm d'épaisseur mesurant 2,8 m x 2,4 m a pris trois jours et la description du paysage et la localisation des caractéristiques pertinentes pour la communauté, six jours supplémentaires.

Certains anciens ont présenté le projet de légende au premier groupe de participants qui l'ont vérifiée et enrichie par de nouveaux éléments et leurs descripteurs. Une fois terminé, le modèle comprenait 48 couches d'informations, dont 25 types de point, 5 types de ligne et 18 types de zone. Un calcul du nombre de points de données réalisé au terme de l'exercice a révélé que la zone comptait 38 écoles, 23 postes de santé, 113 arbres sacrés, 8 marchés, 861 villages et bien plus encore.

Pour ce qui est du processus, les villageois du premier groupe ont expliqué la tâche au deuxième groupe et celui-ci a fait de même pour le troisième groupe. Cette méthode a permis le transfert de la maîtrise de l'ensemble du processus des animateurs, qui ont lancé la formation, vers les détenteurs du savoir local, qui ont fièrement présenté leurs résultats à l'ensemble de la communauté et aux représentants gouvernementaux le jour de l'inauguration et de la cérémonie de clôture. Les villageois ont œuvré avec beaucoup d'attention et de passion en décrivant le paysage de leurs woredas. Des discussions, des échanges et des négociations animées ont caractérisé le processus, auquel ont participé des hommes (en majorité) et des femmes. Les activités débutaient par des danses traditionnelles le matin et le travail se poursuivait jusqu'à la nuit tombée, à la lumière d'un générateur.

Un taureau a été abattu en prévision de la cérémonie de clôture qui s'est déroulée le 18 décembre 2010. Cet événement a été l'apothéose d'un processus où des anciens (homme et femmes) ont présenté la légende et les informations contenues dans la maquette 3D et décrit le processus qui a sous-tendu sa production. Le public était composé d'environ 300 villageois originaires de 28 woredas, de représentants du parlement, du gouvernement local, du CTA, de l'ambassade finnoise et de délégués d'ONG et d'universités de 9 pays africains.

Au cours des diverses phases d'élaboration de la maquette, les participants ont pu s'exprimer et écrire leur ressenti sur le processus au travers des « murs de la démocratie ». Les murs de la démocratie sont de grandes feuilles de papier intitulées « J'ai remarqué », « J'ai appris », « J'ai découvert », « J'ai senti », « Je voudrais suggérer », sur lesquelles les participants peuvent coller des feuilles A5 où ils inscrivent un commentaire lié à l'intitulé et concernant le processus. De plus, une équipe média professionnelle a documenté le processus et mené des entretiens, tandis qu'un groupe de jeunes a été formé et a participé à la production d'une vidéo participative (VP).

Les villageois participants ont rapporté que le travail sur la maquette avait réveillé en eux des souvenirs de paysages passés de forêts luxuriantes et de cours d'eau permanents, ce qui leur a permis de réaliser combien la transformation de l'habitat naturel avait eu un impact (négatif) sur leur vie. Les participants ont affirmé que grâce à un processus d'introspection, ils ont compris que leur exploitation non durable des ressources avait entraîné l'appauvrissement des sols et une baisse des rendements agricoles, et que la situation actuelle menaçait leur moyens d'existence et même leur subsistance. Ils ont ajouté que le processus d'élaboration du modèle créait un cadre d'apprentissage et leur donnait le sentiment d'avoir un but. « Le processus CP3D permet à la communauté de se regarder en utilisant le modèle comme miroir », a écrit un villageois sur une carte collée sur les « Murs de la démocratie ».

Voici des exemples de commentaires écrits par les villageois (en amharic) alors qu'ils travaillaient sur la maquette :

« Je sentais que - avec la destruction des ressources naturelles dans notre environnement - nous avons perdu la terre, la forêt, les animaux sauvages et bien plus encore. Cela nous porte préjudice et pose des problèmes aux générations futures. »

« Je sentais que nous pouvions comparer ce que nous avions fait sur la carte avec ce qui existait par le passé [dans la réalité], et cela clarifie ce qu'il faut faire à l'avenir. »

« J'ai remarqué qu'il [le processus] m'aidait à comprendre l'importance de la participation. J'ai également réalisé que la communauté disposait d'un savoir précieux dont nous n'avions pas conscience. »

« J'ai remarqué que le processus CP3D permet à la communauté de se regarder en utilisant le modèle comme miroir. Il renforce les capacités et c'est important pour le développement du pays. » (Source : Murs de la démocratie, Telecho, 17 décembre 2010)

La grande réunion du 18 décembre a renforcé le message car les villageois impliqués dans la cartographie ont partagé leurs réalisations, développé leur conscientisation et exprimé davantage de déclarations d'intention. La présence de représentants du gouvernement, quelque peu abasourdis à la vue du modèle lors de son dévoilement, a été fort appréciée des membres de la communauté et a renforcé leur sentiment d'être considérés et écoutés dans leur engagement de collaboration pour un meilleur avenir. Dans ce contexte, les villageois ont décidé d'organiser une réunion avec un public plus large afin d'examiner un ensemble d'actions qui contribuerait à réhabiliter leurs terres victimes de dégradations.

Quelques jours après la fin de l'exercice, l'ambassade finnoise a octroyé une aide financière supplémentaire à la MELCA en vue de mettre sur pied des activités de suivi portant sur la réhabilitation de l'environnement dans la région concernée par le projet. La maquette 3D jouera un rôle important dans cette partie du processus car il représente le référentiel le plus actualisé et pertinent regroupant des informations sur l'espace local ainsi qu'un outil de planification facile à maîtriser par les villageois, puisqu'il est parfaitement compris et approuvé par la population locale.

Enfin, point très encourageant, les stagiaires nationaux et internationaux ont manifesté leur intention de réitérer le processus dans leur région.

Auteurs : Giacomo Rambaldi / CTA et Million Belay MELCA-Ethiopia

Version anglaise

Sunday, October 04, 2009

Une modélisation participative en 3D du paysage montagneux historique de Wechecha (Éthiopie)

MELCA Mahiber, ONG éthiopienne membre du réseau African Biodiversity Network (ABN), a contribué à la construction d'une carte participative en 3D (CP3D) du paysage montagneux historique de Wechecha, dans la région d'Oromia, à côté des woredas de Walmara et Sebeta Awas, en Éthiopie.

Une fois achevée, la maquette a été inaugurée par un représentant du Président de la République fédérale démocratique d'Éthiopie. Cette cérémonie a réuni plus de 500 personnes, parmi lesquelles des membres du Conseil des représentants des peuples, des membres du gouvernement et des représentants d'organisations internationales, d'organisations de la société civile et de collectivités locales.

Construite à l'échelle 1:10 000, la maquette reproduit une zone de 24 km sur 28 km. Plus de 40 élèves et membres d'associations de jeunes ont participé à la construction de la maquette initiale, que les habitants de la région, notamment les anciens, ont été invités à enrichir de leurs connaissances géographiques. Au cours du processus, des informations sur le massif ont été échangées entre les différentes générations, mais aussi avec les collectivités locales et d'autres parties prenantes, ouvrant la porte à des débats de fond sur la gestion et la protection durables de la culture et de l'environnement à l'échelle locale. Les gouverneurs de la région se sont montrés extrêmement favorables à ce projet, jouant un rôle actif au sein du processus, aux côté des organisateurs.

Ce projet avait pour ambition de collecter des données sur le savoir écologique traditionnel des communautés de la région pour le valoriser. Ainsi, les autorités externes lui accorderont davantage d'importance lors de la gestion collaborative des ressources naturelles. L'objectif secondaire du projet consistait à améliorer la transmission de ce savoir aux nouvelles générations.

Maintenant que la maquette est achevée, elle servira d'environnement de référence où habitants, membres du gouvernement et différentes parties prenantes pourront débattre de programmes de gestion et de réhabilitation.

Kalkidan, 15 ans, est une élève de l'école d'Holeta. Elle est consciente que sa génération a appris énormément des anciens de la région grâce à cette maquette. Elle s'est exprimée ainsi lors de l'inauguration : « Nous, les jeunes, ne pensions pas que les anciens en savaient autant. Mais après avoir participé à la construction de cette maquette participative en 3D, nous sommes désormais convaincus que nos anciens sont une mine d'informations sur l'environnement ». Elle a rappelé qu'au cours de ce projet, ce sont les anciens qui ont tenu le premier rôle.

Lors de la cérémonie, des anciens ont montré l'emplacement de leur village d'origine sur la maquette, avec des anecdotes. Ils n'ont pas pu cacher leur désarroi envers la dégradation de la région, et ont demandé aux organismes concernés de tenter de résoudre ce problème. Les membres du gouvernement ont également approuvé la maquette et rappelé qu'elle ne se résumait pas à un simple objet de décoration.

Le Dr Tewoldebithan G/Egziabher, directeur de l'autorité fédérale de protection de l'environnement et président de l'assemblée générale de MELCA, a remis la maquette à la ville d'Holeta et à l'administration du woreda de Walmara au nom de son association. Il a demandé à l'administration d'utiliser la maquette comme référence topographique.

Million Belay, directeur du MELCA, a annoncé de nouvelles initiatives. Un processus de planification à grande échelle sera lancé pour réhabiliter le paysage montagneux de Wechecha, en s'appuyant principalement sur la maquette. Les écoles situées au pied des montagnes intégreront la maquette à leur programme, à l'instar de la région de Nessuit (Kenya), qui possède une maquette comparable depuis 2006. Les enseignants l'utiliseront pour aider les élèves à connaître leur environnement, la géographie et les paysages culturels. Par ailleurs, Million Belay a annoncé que la maquette en 3D servirait à des fins scientifiques, pour étudier d'une part la relation entre habitants et environnement, et d'autre part les conséquences de la dégradation des terres sur les moyens de subsistance des communautés locales.

Auteur : Giacomo Rambaldi